Images rares, artistes en forme...la crème du rap de la "grosse pomme" réunie sur ce projet français, qui mérite la plus grande attention, et un concert de
louanges...
Des "bonus" dites-vous ? Pourquoi faire ? Les deux galettes ici chroniquées ne sont pas fournies avec des suppléments, et pour cause.
Chaque DVD dépasse les deux heures de durée, et regorge de pépites rendant toute initiative d'y adjoindre des bonus vaine et superflue.
A l'origine de ce projet vidéo, on retrouve (forcément) des jeunes passionnés, ayant eu la bonne idée de saisir des concerts au Cabaret Sauvage (la Villette - Paris) sur plusieurs caméras posés devant la scène ou dans la fosse. L'occasion de pointer ici le seul défaut très relatif de
ces documentaires, conséquence de ses qualités...parfois, comme on pouvait s'y attendre, la qualité technique peut se montrer capricieuse.
C'est notamment le cas pour les concerts de PMD ou Erick Sermon.
A l'inverse, les prestations de Dj Premier ou de Pete Rock & CL Smooth sont impeccables. Mais l'ensemble
présente suffisamment de rareté, voire de grâce (soyons fous) pour que les (petites) critiques filent se cacher au vestiaire...
Sur plus de 4 heures de programme, donc, défilent des rappeurs parmi les meilleurs de la côte Est des USA, et même de l'histoire du hip-hop.
Le génie du Wu-Tang Ghostface Killah ouvre le bal, avec sa prestation virile et décontractée de l'hiver 2003, en
compagnie des garnements de la Theodore Unit. Show à l'americaine, gavé de samples soul jusqu'aux lobes, avec des morceaux issus pour l'essentiel de l'album mythique Supreme Clientele. Sans oublier le passage très "valeur
sûre" ou les hits du Wu sont repris a capella.
Ne pas rater non plus le moment où les compères entonnent joyeusement l'hymne officieux Irooonmaaaaaaaaan..., ou le climax lorsque Ghost enchaîne plusieurs titres énervés, comme We made it l'atomique Run, sans Jadakiss mais avec son aéropage en pleine forme.
Petit regret avec des freestyles qui s'eternisent un poil, faisant légèrement retomber le rythme. Le concert d'Erick Sermon ne contient pour sa part aucun temps mort. Ramassé sur une demi-heure, il est parfait, malgré un son parfois mauvais. Grassouillet dans son survet' Adidas, le "green-eyed bandit" est comme un poisson dans l'eau
devant ses fidèles.
Plus à l'aise, et grâce à une discographie mieux fournie que son compère PMD, Sermon porte les vertus cardinales du hip-hop comme un roitelet jamais repus. Il alterne ses morceaux solo les plus féderateurs (React ou
Yeah yeah you know it) et les perles d'EPMD (Da joint, Crossover, Headbanger, You gots to chill...). Le tout devant un public en méga forme, selon un baromètre général des salles parisiennes. Au point qu' "E double"
lui-même multiplie les compliments sincères à son assistance française.
Plus intime, le public venu découvrir les magiciens de Slum Village n'en est pas moins motivé. Voir le groupe de Detroit en vidéo est un plaisir assez émouvant,
même si le concert se situe dans le temps entre le chef d'oeuvre absolu Fantastic vol 2 et Trinity, en l'absence donc de Baatin et surtout de l'immense Jay Dee aka J Dilla, décédé depuis...
Le nouveau venu Elzhi et Phat Kat entourent T3 pour un show réduit ici à quinze petites minutes, comprenant les tubes Raise it up, Fall-n-love et The look of
love.
Et le DVD se termine sur un show impeccable de DJ Premier, qui enchaîne ses meilleurs instrus avec une joie de sale gosse, rajoutant au mix quelques incantations, d'une voix rauque rappelant presque Fatman Scoop...
Etant donné le niveau du premier, le deuxième disque parait fatalement moins bien, malgré là encore des moments grandioses. Comme ce duo Pete Rock-CL Smooth aux allures de collector, puisque les deux compères se sont brouillés peu de temps après.
Au programme, une heure dix de pur plaisir, avec les tubes magnifiquement déroulés, des samples de soul venant de partout, et encore un public de connaisseurs qui reprend les refrains à fond de cale.
Le spectacle finit sur le superbe They reminisce over you, devant un parterre en transe. Derrière un truc pareil, le concert de PMD fait sacrément pitié.
Aucune imagination, des reprises d'EPMD massacrés lorsque Sermon les sublime, un public bof et un son vraiment pas terrible...seule la présence de Dj
Honda vaut le coup d'oeil, et encore. Enfin, l'artiste touche-à-tout underground Afu-Ra achève ces joyeusetés, en présentant ses morceaux les plus costauds aux Parisiens, pour une prestation enlevée et suante.
Les joies du "direct" offrent aussi quelques perles, comme ce mec qui agite ses béquilles en l'air dans la fosse pendant Ghostface, ou dans le même concert le zèle des vigiles parmi les spectateurs, lorsque Ghost descend rapper dans la fosse.
On peut citer aussi le bond sur scène d'un amateur français de freestyle, devant un public incrédule et un Sermon moyennement rassuré.
Mais le passage le plus étonnant reste cette scène du concert de Pete Rock et CL Smooth, lorsque le rappeur
ramasse un joint sur scène, tire deux taffes, le fait tourner à son DJ pour un moment planant et presque silencieux...
Pour conclure, il faut vraiment tirer un grand coup de chapeau aux auteurs de ces DVD, puisqu'il faut rappeller les conditions infernales dans lesquelles les amateurs de hip-hop tentent avec les moyens du bord de monter des trucs sur Paname.
La faute à un esprit culturel élitiste qui dénigre encore le rap, la crainte ridicule de "débordements" de la
part de certaines salles, les nombreuses annulations ou les prestations parfois piteuses de certains artistes US, qui marmonnent trois quarts d'heure avant de
partir.
Ces deux DVD prouvent tout le contraire, et ils raviront le moindre fan français en quête d'un peu de fraîcheur et d'images inédites.
Maximum respect.
par Matteu Maestracci