Nawal VIP
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| Subject: La danse hip-hop en France, l’émergence d’un art populaire 2 Thu 17 May - 8:17 | |
| Réf. Biblio. : BAZIN H [2002],«Hip-Hop Dance : Emergence of a Popular Art Form in France » in Black , Blanc, Beur. Rap music and hip-hop culture in the francophone world », Éditions Scarecrow Press, USA.
Art populaire
On ne naît pas hip-hop, on le devient. Cette liberté acquise dans le travail, dans un certain rapport à la production, constitue un caractère de la forme populaire. Après des années de pratiques depuis le début des années 80, une conscience professionnelle a peaufiné les techniques. La précision du mouvement et la rigueur de l’engagement sont d’autant plus sollicitées pour ceux qui veulent faire de la danse hip-hop leur métier. Un vocabulaire, un fond de matériau commun, puis un répertoire ont été transmis maintenant d’une génération à l’autre.
Les différents styles de danse hip-hop empruntent à différents vocabulaires aussi bien traditionnels que modernes. La break-dance est la partie de la danse hip-hop composée de figures au sol avec une préparation à la descente (top-rock). Les danseurs établissent une nouvelle hiérarchie dans le rôle des parties du corps en modifiant les principaux points d'appui. Ainsi, des rotations sur la tête (head spin, tracks…), sur les mains (ninety-nine, scorpion, thomas…) ou sur le dos ou les épaules (coupole, couronne…) permettent de libérer les jambes de leur rôle porteur. Le six-step est le mouvement de pieds de base pour le passe-passe qui permet suivant l’imagination et la virtuosité du danseur d’assurer une liaison entre les principales phases du break. La partie debout de la danse hip-hop possède une très grande variété de styles basée sur la contraction et la détente musculaire (boogie, moonwalk, vogueing, popping, 1ocking, pointing, micro-pulsion, tétris,…). Elle emprunte aussi à la gymnastique, la danse de combat (up-rock, capoeira, arts martiaux,…), au jazz et autres influences modernes que nous retrouvons également dans les chorégraphies collectives de la hype.
Mais la danse hip-hop ne peut s’énumérer comme une série de mouvements ou techniques d’apprentissage (ceci explique la difficulté après des années de discussion de créer un Diplôme d’État en danse hip-hop alors qu’il existe pour la danse contemporaine ou la danse jazz). Tout le jeu créatif se situe au niveau des articulations : entres le détail et les grandes phases, entre la danse debout et la danse au sol, entre la référence aux bases académiques et la recherche dans des domaines variés, entre le travail sur la matière de la forme et l’exploration des univers de reconnaissance culturelle.
La force et la survie du hip-hop tiennent dans cette capacité de développer en dehors des formes instituées des espaces interstitiels de création culturelle, de construire des parcours expérientiels où se forment des maîtres-artistes. Le hip-hop s’est ainsi développé en France comme un maillage en réseau où chaque point a constitué une histoire de rencontre.
Cette forme travaillée et retravaillée où l’artiste se définit plus comme artisan, éclaire une culture populaire. En effet, la danse hip-hop en tant que forme esthétique ne trouve pas seulement sa raison d’être dans le plaisir de la regarder ; elle n’est pas pure émotion détachée de la réalité, elle nous engage au contraire à réfléchir sur notre rapport au monde. Elle nous informe sur une culture, une manière d’être, des cheminements individuels et collectifs, le déroulement d’une pensée et d’une intention.
La culture hip-hop transcende la singularité de chaque rencontre en un langage commun. Par l’ouverture au monde sensible plaçant l’art au centre de la vie, elle nous invite à rejoindre ces espaces interstitiels où chacun est auteur de sa propre pratique.
La hip-hop en tant que forme est à la fois codifiée dans sa structure et libre dans son accès, archaïque dans son rapport à la terre et au rythme, moderne dans son individualité affirmée et construite à partir de rien, donc de tout, utilisant les matériaux fondamentaux de la vie.
Cette manière de réunir un ensemble d’éléments dans une unité productrice de sens est une autre manière de définir l’art populaire. Une très haute exigence pousse au dépassement de la forme elle-même et nous dévoile la personnalité des danseurs.
Mouvement et Narration
La richesse de la danse hip-hop en France tient à la fois de l’affirmation de parcours individuels originaux, et de la spécificité de développements stylistiques régionaux. Les régions de Paris (Aktuel Force, Black Blanc Beur, Boogi Saï, Choréam,…) et de Lyon (Traction-Avant, Azanie, Accrorap, Kafig, Art Mouv’in Silence…) sont considérées comme des berceaux de la danse hip-hop dont l’opposition stylistique a permis de créer une émulation créatrice. Mais, en dehors des grandes métropoles, nous nous apercevons aujourd’hui que toutes les régions françaises ont apporté à leur manière une contribution : agglomération de Lille, (Melting Spot, Funk Attitude, Dans la Rue la Danse) Toulouse (Olympic Starz), Bordeaux (Révolution), Montpellier (Mega Cool Rap), Strasbourg (Magic Electro), Nantes (Hb2), etc.
Cette diversité stylistique et cette vitalité du mouvement, traduisent la capacité de combiner l’espace, l’énergie, la technique. L’alliance de la liberté et du travail, de la fluidité et de la forme, de la subjectivité et de la structure, dégage une force esthétique.
Les différents styles de danse expriment cette tension entre l'être et la matière. La forme devient « hip-hop » dans la prise de conscience de ce travail où le mouvement peut constituer la matrice de messages, de représentations sur le monde, de règles de vie, de valeurs, de compétences.
La narration peut suivre un parcours initiatique et dessiner la géographie singulière de la Terre-mère, le territoire sacré dont la scène est le temple. Manifestation d'un mystère ou dévoilement d'une vérité, une énergie révélatrice au sens religieux du terme dresse les points cardinaux d’un champ de force. Art primitif et spirituel dans sa capacité à travailler sur les éléments premiers qui acquièrent alors une dimension symbolique, le hip-hop réintroduit ici une culture du rapport enchanté au monde.
D’autres narrations se jouent sur les zones-frontières. Elles empruntent à la symbolique du réseau, suivent le chemin d’une rive à l’autre, du voyageur, du nomade, de l’étranger. Elles nous déroutent de notre chemin en indiquant cette autre possibilité de parcourir le monde. La scène s’ouvre sur un lointain qui nous rapproche, une altérité qui nous ressemble, des particularités qui poussent à l’universel. Entre les influences nord-américaines, caraïbéennes, africaines et celles propres aux migrations et immigrations, aux particularismes sociaux, aux couleurs régionales, l’art du collage, de l’emprunt, de la réappropriation, nous engage dans une culture rhizome aux racines flottantes puisant ici et là sa substance créatrice.
La satire sociale du personnage dominé peut représenter une autre voie de la narration. Elle rappelle que le hip-hop s’inscrit dans un art du combat, du détournement et du renversement. De la capoeira, aux danses antillaises en passant par les arts martiaux jusqu’au break de rue, nous retrouvons le rôle fondateur de l’art populaire comme culture de résistance face aux processus de contrôle et d’aliénation. | |
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