Nawal VIP
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| Subject: La danse hip-hop en France, l’émergence d’un art populaire I Thu 17 May - 8:15 | |
| Réf. Biblio. : BAZIN H [2002],«Hip-Hop Dance : Emergence of a Popular Art Form in France » in Black , Blanc, Beur. Rap music and hip-hop culture in the francophone world », Éditions Scarecrow Press, USA.
Parmi les disciplines hip-hop, la danse est sans doute l’expression qui permet le mieux de comprendre le développement du hip-hop en France. Elle nous éclaire sur la place d’un art populaire et l’enjeu qu’il renvoie à la société contemporaine. Bien que les disciplines artistiques soient de plus en plus tributaires de l’industrie culturelle, la danse hip-hop rappelle que l’on ne peut pas réduire le sens d’une pratique uniquement à son aspect économique.
Le début d’une histoire collective
En effet, si le rap aujourd’hui pèse de tout son poids économique, l’on oublie peut-être que la danse fut l’école de formation de la plupart des rappeurs en France au début des années 1980. A l’époque, il n’était d’ailleurs pas encore concevable de rapper en français. (Remarquons également que les radios libres, nouvellement crées en 1981, constituèrent une autre école de formation hip-hop où les D.J. expérimentaient des « sons venus d’ailleurs »).
Les médias assimilaient le hip-hop à une effervescence adolescente. Ils ne voyaient qu’un phénomène de mode dans l’explosion de la pratique de la danse entre 1984 et 1985 grâce à la diffusion de l’émission de Sidney H.I.P. H.O.P. (d’abord sur une radio publique, puis une chaîne de télévision).
En guise de tapis de danse, les papiers-cartons florissaient dans les halls d’entrée des immeubles, toute une génération séduite par l’esthétique d’une gestuelle cherchait à le reproduire d’une manière spontanée et enthousiaste. Les soirées en cabarets, les concours et autres battles, représentaient les scènes naturelles pour les groupes d’une émulation collective.
Une fois l’émission de Sidney arrêtée, l’apparence semblait confirmer la vision médiatique du hip-hop comme une mode passagère. Il existe pourtant une différence entre la fin d’une visibilité et le mouvement propre d’une émergence populaire.
C’est le creux de la vague et beaucoup arrêtèrent de danser. Certains se tournèrent vers le rap ou des professions du milieu culturel, d’autres trouvèrent un métier dans des secteurs complètement différents, d’autres moins chanceux qui avaient tout quitté pour la danse et gagnaient de l’argent en faisant des représentations, ne purent assumer le fait d’être rejetés dans l’ombre après avoir connu la lumière des projecteurs, et tombèrent dans la délinquance. Enfin, certains s’accrochèrent en devenant formateur ou animateur tout en continuant à pratiquer la danse, en s’entraînant dans les arrières-salles des équipements de quartier et en faisant de petits shows sur les scènes locales. Bien qu’isolés dans leur région, ces « anciens » allaient devenir les piliers d’un renouveau de la danse et faire bénéficier la génération suivante de leur expérience chèrement acquise. Tandis que des institutions nationales produisent début 1990 les première spectacles, de plus en plus de cours de danse sont donnés dans les structures socioculturelles.
Ainsi, si une première vague juvénile avait reflué des cages d’escalier et des night-clubs, une autre, plus mûre allait revenir 10 ans plus tard submerger la scène des théâtres contemporains et des lieux culturels consacrés. Peu de personnes à l’époque furent capable de percevoir ce jeu de flux et de reflux et mesurer l’ampleur qu’allait prendre le mouvement. Aujourd’hui, la France constitue un des rares pays accueillant autant de compagnies hip-hop professionnelles ou en voie de professionnalisation. Autonome d’une culture
La jeune explosion des années 1980 et la constitution de compagnies professionnelles dans les années 1990 renvoient à des moments différents de visibilité : principalement médiatique ou intimiste dans le premier cas, plus institutionnel et économique dans le second cas. Bien souvent les commentaires et les critiques ne s’attachent qu’à ces périodes de mise en lumière artificielle. Si ces moments là indiquent une reconnaissance de la forme hip-hop, cela ne veut pas dire qu’elle soit mieux comprise et acceptée.
C’est un paradoxe propre à la France. D’un côté, l’aide à la création et le nombre de festivals de danse hip-hop, témoignent du soutien des pouvoirs publics et des lieux culturels. D’un autre côté, la forte prégnance institutionnelle fige les pratiques et les expressions dans un cadre sémantique, symbolique et historique prédéfini qui échappe aux acteurs initiaux.
À part quelques « niches écologiques », il existe très peu d’espaces autonomes pour qu’une culture vivante se structure et se réapproprie le sens de son rapport au monde, développe une parole indépendante sur le monde.
Les processus de développement propres à une forme, le rapport très précis du sensible à l’intelligible, de l’individu au groupe, de la tradition à la modernité, de la transmission à la création, de la sensibilisation à la diffusion, de la répétition à l’innovation, du conformisme à l’expérimentation, bref, tout ce qui fait l’intérêt et la force du hip-hop comme art populaire, tout cela reste dans l’ombre. | |
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